L’abattement de la prime décentralisée pour maladie non professionnelle est illicite

La fin d’année est l’occasion généralement de verser aux salarié(e)s le complément de la prime décentralisée et le cas échéant le reliquat qui est constitué du cumul des abattements pour absence.

La CCN51 prévoit qu’en cas d’absence du (de la) salarié(e), il est procédé́ à un abattement de 1/60 de la prime annuelle de 5% des salaires brut perçu par jour d’absence (3% dans les établissements pour enfants ou adultes handicapés ou inadaptés dans lesquels les salariés bénéficient de congés trimestriels ). . Les 6 premiers jours d’absence au cours d’une année civile ne donnent pas lieu à abattement.
En cas de minoration de la prime, le montant du reliquat (solde cumulé des abattements individuels) est versé uniformément à l’ensemble des salariés n’ayant pas subi de minoration, au prorata de leur temps de travail. Toutefois nous soulevons dans cet article la question de la minoration en raison d’absence pour maladie non professionnelle.

L’annexe A.3.1.5 de la CCN liste les absences ne devant pas minorer le montant de la prime. Il en est ainsi  notamment des :  

– périodes de congés payés ;
– absences pour congés de maternité ou d’adoption, tels que définis à l’article 12.01 de la présente convention ;
– absences pour accidents du travail ou maladies professionnelles survenus ou contractées dans l’établissement ;
– congés de courte durée prévus aux articles 11.02, 11.03 et 11.04 de la présente convention (congés pour enfant malade & évènements familiaux)  

A contrario, la convention collective laisse ouvert l’abattement pour absence maladie d’origine non professionnelle ce que nombre d’établissement ne manquent pas d’appliquer y voyant un outil pour limiter l’absentéisme.

Or, l’abattement lié à une absence pour maladie pose le débat juridique de la discrimination en raison de l’état de santé. En effet, les conditions d’attributions et plus particulièrement une analyse comparative avec d’autres types d’absence ne donnant pas lieu à abattement, excepté les absences légalement assimilables à du temps de travail effectif , est susceptible d’amener le juge à en déduire que l’abattement pour absence maladie fait surgir la cause discriminatoire et donc l’illicéité de la règle, y compris si elle est de source conventionnelle. C’est le sens d’un l’arrêt de la Cour de cassation du 1er décembre 2016 (Cass.soc. 1er décembre 2016, n° 15.24694) qui confirme une décision d’un Conseil des Prud’hommes qui juge qu’une réduction d’une prime d’assiduité (résultant d’un accord d’entreprise), pour maladie ou pour maternité mais qui excluait la réduction en cas d’absence pour évènement familiaux était discriminatoire en raison de l’état de santé 

L’examen de la disposition conventionnelle de l’annexe A3.1.5 relative aux absences n’entraînant pas l’abattement cite expressément les absences citées à l’article 11.03 pour évènement familiaux. Dès lors la règle de l’abattement de la prime décentralisée en raison de l’absence pour maladie non professionnelle apparaît illicite car discriminatoire.

Toute disposition d’un accord d’entreprise ou d’établissement relatif à la distribution de la prime décentralisée qui se référerait  à l’annexe A3.1.5 sans autre forme de précision ou pire prévoirait l’absence maladie non professionnelle comme cause d’abattement serait entachée de nullité car discriminatoire.

La FEHAP, dans sa note du 1er juin 2015 (« La prime décentralisée », Direction des relations du travail, 6 juin 2015, page 8 ) relative à la prime décentralisée, convient que la disposition est pour le moins douteuse et invite, à demi-mot, les établissements à exclure le critère de l’absence maladie : « En ce qui concerne la maladie, il convient désormais d’être vigilant dans la négociation locale sur ce point et d’investiguer d’autres critères d’attribution, tels que notamment l’évaluation».

A ce jour, l’abattement illicite pour maladie non professionnelle reste toujours ouvert par défaut en violation du principe de non-discrimination. C’est à l’accord d’entreprise ou à une décision unilatérale de l’employeur d’écarter explicitement cette règle.