Le principe « à travail égal, salaire égal » à l’épreuve du diplôme

La Cour de cassation confirme que les dispositions de la convention collective 51 qui prévoient des conditions de diplômes pour l’octroi de points supplémentaires ou d’un coefficient de référence, ne permettent pas aux salariés, non titulaire des diplômes requis mais exerçant le même métier que leurs collègues, de prétendre à l’avantage correspondant.

Les faits

Dans une première affaire (Cass. soc. du 11 mai 2017, Pourvoi nº 16-10.129), une secrétaire médicale faisait grief à son employeur, la MGEN, que, bien que non détentrice du baccalauréat spécialisé, elle ne bénéficiait pas du même salaire que ses collègues de travail. En effet, outre le coefficient de référence de 376, les secrétaires médicales détentrices d’un « BAC spécialisé, d’un diplôme équivalent ou du certificat de la Croix-Rouge » (voir classification sur notre site) bénéficie d’un complément diplôme de 20 points. En conséquence, la salariée qui possédait plus de 30 ans d’ancienneté sollicitait ce complément en avançant qu’elle exerçait dans des conditions strictement identiques le même métier que ses collègues. Elle estimait que le principe « à travail égal, salaire égal » trouvait à s’appliquer pleinement.

De même, dans la deuxième affaire (Cass. soc. 11 mai 2017, Pourvoi nº 16-10.132), une employée administrative salariée de la MGEN, sollicitait la classification de technicienne administrative, coefficient 392, laquelle selon les conditions d’accès citée dans les annexes de la CCN51, nécessite d’ « être titulaire d’un baccalauréat technique, technologique ou professionnel, ou d’un diplôme équivalent dans sa spécialité ». Pour autant, la salariée semblait démontrer qu’elle effectuait les « travaux d’une certaine complexité » caractérisant le métier de « technicien administratif » et qu’elle se voyait confier les mêmes tâches qu’une autre salariée de la MGEN, bénéficiaire du coefficient 392 sans être pour autant titulaire du baccalauréat ou du diplôme équivalent mentionné dans la convention collective FEHAP.

Dans ces deux affaires, les juges du fond, confirmés par la Cour de cassation se réfugient derrière la convention collective pour débouter les salariées de leur demande. N’étant pas titulaire du diplôme requis par la convention collective pour l’attribution du complément diplôme ou de la classification conventionnelle qu’elles revendiquaient, ils en ont déduit que la disparité de traitement était justifiée par des éléments objectifs et pertinents (l’absence de diplôme requis)

Analyse

Le principe “à travail égal, salaire égal” et le diplôme dans la CCN51

La Cour de cassation défend depuis longtemps le principe général « à travail égal, salaire égal»  applicable à tous les salariés et posé par le fameux arrêt Ponsolle ( Cass. soc., 29 oct. 1996, no 92-43.680 ). Initialement invoqué dans le cadre de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, il n’est que l’application de la règle plus générale de l’égalité de rémunération entre les salariés. En effet, l’employeur est tenu d’assurer une égalité de rémunération entre les salariés dès lors qu’ils sont placés dans une situation identique de travail ou qu’ils produisent un travail de valeur identique. Sur le secteur de la CCN51, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion  d’écarter le formalisme conventionnel du diplôme pour se concentrer sur le travail de valeur identique.  Ainsi, le titulaire d’un diplôme algérien de docteur en médecine faisant fonction d’interne a droit au salaire de cette fonction même s’il n’est pas titulaire du diplôme français de docteur en médecine (Cass. soc., 2 juin 2004, no 01-44.449 ; Cass. soc., 2 juin 2004, no 01-44.450 ). Dans ces affaires, la convention collective 51 précisait dans ces conditions d’accès au métier que le salarié devait remplir les conditions de diplôme prévues par l’article L. 356 du Code de la santé publique pour l’exercice légal de la profession de médecin. La Cour de cassation évacuait le texte conventionnel pour s’en tenir à la fonction réellement exercées justifiant la rémunération de médecin spécialisé.

Une anomalie pour la carrière longue exercée dans le même métier

Il apparaissait logique au regard de la jurisprudence citée plus haut que la fonction et la valeur du travail fournies par les salariées dominent les conditions d’accès ou de diplôme de source conventionnelle notamment lorsque le métier est exercé depuis un temps conséquent ce qui a permis d’acquérir un niveau de maîtrise ou d’expertise certainement supérieur à celui apporté par une formation initiale. L’expérience professionnelle acquise sur plusieurs années efface ou, à tout le moins, minimise l’influence du diplôme dans l’exercice du métier ce qui rend l’exigence du diplôme quelque peu archaïque. Il serait judicieux par exemple que le convention collective prévoit une équivalence diplôme en années d’exercice.

Nous rappelons toutefois que le salarié peut engager une Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) qui permet d’obtenir une certification ou un diplôme sur la base d’une expérience professionnelle après validation par un jury, des connaissances et des compétences acquises (voir la convention collective 51 facile – Chapitre formation professionnelle). Cependant, cette démarche relève d’une initiative personnelle qui peut être  financée par l’employeur dans le cadre du plan de formation ou par des dispositifs de l’OPCA de branche UNIFAF. Ainsi, l’obtention du diplôme s’imposera ensuite à l’employeur qui devra alors se conformer à la disposition conventionnelle en cause.

Dans un contexte ou la CCN51 ne reconnaît pas l’expertise ou la technicité des salariés non cadre, ces arrêts apparaissent critiquables. Ils autorisent finalement les employeurs à embaucher des salariés non diplômés mais compétents dans leur fonction tout en “optimisant” leur niveau de rémunération. De plus, la disparité de rémunération pour une même fonction subsiste au sein du service ce qui n’est pas de nature à instaurer ou maintenir un climat de travail serein.

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