La période d’essai et la CCN51

Le principe de la période d’essai

La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Attention, la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur qui aurait une cause étrangère à l’appréciation des qualités professionnelles du salarié aurait toutes les chances d’être requalifiés en rupture abusive (Cour d’appel de Metz, Chambre sociale, Arrêt no 11/0029 du 26 juillet 2011)

Dans cette affaire précitée, un médecin se trouve en arrêt maladie à deux reprises pendant la période d’essai. L’employeur décide alors de rompre la période d’essai.

La cour d’appel décide alors que : « l’employeur ne démontrant pas qu’il avait pris la décision de rompre le contrat de travail avant la deuxième suspension de celui‐ci et la perturbation de l’entreprise occasionnée par l’absence du salarié étant un motif étranger aux compétences du salarié, la rupture non motivée du contrat de travail prononcée au cours de la deuxième période de suspension de ce contrat, pendant laquelle le docteur X… n’a accompli aucun travail, a nécessairement un motif étranger à l’appréciation des qualités professionnelles du salarié ; ce dont il résulte que le caractère abusif de la rupture par l’employeur de la période d’essai est ici suffisamment caractérisé »

 

La période d’essai dans la convention collective 51

La période d’essai doit être obligatoirement mentionnée au contrat de travail avec sa durée.

La convention collective prévoit au maximum une durée de :

  • 2 mois pour les non-cadres,
  • 4 mois pour les cadres.

La convention ne prévoit pas de renouvellement de la période d’essai. Dans ses conditions, toute clause ou avenant de renouvellement de la période d’essai au contrat serait nulle. La rupture du contrat de travail pendant la période de renouvellement de la période d’essai serait analysée en un licenciement abusif (CA Poitiers 4 janvier 2012) Q

Dans un arrêt plus ancien la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences de l’absence de disposition prévoyant un renouvellement de la période d’essai dans la convention collective de la FEHAP (Cour de cassation, 19 avril 2000, Pourvoi nº 98-41.859).

En effet, dès lors que la convention collective fixe à 6 mois la durée de la période d’essai du personnel cadre, sans prévoir de possibilité de renouvellement de cette période, le contrat de travail du salarié ne pouvait prévoir ce renouvellement ( à noter que la durée de la période d’essai a été ramenée à 4 mois pour les cadres – article 04.06) .

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Arrêt de la Cour d’appel de Poitiers – ARRÊT DU 04 JANVIER 2012

R.G : 10/01460 
CLEMENT
 C/
CENTRE DE
 REEDUCATION ET DE 
READAPTATION FONCTIONNELLE ‘LE
GRAND FEU’
Numéro d’inscription au répertoire général : 10/01460
Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 09 mars 2010 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT. APPELANTE :
Madame Muriel X…
…
60500 CHANTILLY
Représentée par Me Vincent LAGRAVE (avocat au barreau de LA ROCHELLE)
INTIME :
CENTRE DE REEDUCATION ET DE READAPTATION FONCTIONNELLE ‘LE GRAND FEU’

EXPOSE DU LITIGE

Mme X… a été recrutée par le Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle (CRRF) « le Grand feu » en qualité de directrice, à compter du 1er octobre 2007, pour un salaire mensuel de 7 184,85 € jusqu’au 31 mars 2008 puis de 7 391,83 € à partir du 1er avril 2008 ; une période d’essai contractuelle de six mois renouvelable une fois était prévue au contrat ;

La convention collective applicable est celle de la FEHAP du 31 octobre 1951 ;
 Le 31 mars 2008, le renouvellement de la période d’essai a été convenu, avec un préavis de deux mois ;

Par courrier du 14 août 2008, le CRRF « le Grand feu » a mis fin au contrat de travail de Mme X… pendant la période de renouvellement de l’essai ; elle a été dispensée d’exécuter le préavis de deux mois contre rémunération ;

Le 24 mars 2009, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Niort ; Par jugement du 9 mars 2010, cette juridiction a :
‐ déclaré abusive la rupture du contrat de travail de Mme X… ; ‐ condamné le CRRF « le Grand feu » à lui payer les sommes de : * 10 000 € pour licenciement abusif

* 14’783,66 € au titre du préavis
* 1 478,36 € au titre des congés payés afférents * 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;

‐ condamné le CRRF « le Grand feu » à produire le dernier bulletin de salaire, le certificat de travail et l’attestation pôle emploi modifiés ;

‐ débouté Mme X… du surplus de ses demandes ;

‐ débouté le CRRF « le Grand feu » de ses prétentions ;

‐ condamné le même aux entiers dépens ;

Mme X… a régulièrement interjeté appel de cette décision dont elle sollicite la réformation ;

Par conclusions déposées au greffe le 25 juillet 2011 et développées oralement à l’audience, l’appelante demande à la cour de :

‐ confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son licenciement irrégulier et abusif ;

‐ réformer sur le quantum et condamner le CRRF « le Grand feu » à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes de :

* 7 391,83 € pour licenciement irrégulier

* 59’134,64 € pour licenciement abusif et vexatoire

* 29’567,32 € au titre du préavis

* 2 956,73 € au titre des congés payés sur préavis

* 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‐ condamner le CRRF « le Grand feu » aux entiers dépens ;

Par conclusions déposées au greffe le 26 septembre 2011 et développées oralement à l’audience, le CRRF « le Grand feu » demande à la cour de :

‐ confirmer le jugement entrepris ;
‐ débouter Mme X… de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

‐ condamner Mme X… à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

‐ Sur la rupture du contrat de travail :

L’employeur reconnaît que l’article 04.06.1 de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 30 octobre 1951, dans sa rédaction en vigueur au moment de la rupture du contrat de Mme X…, fixait la durée de la période d’essai à six mois pour les cadres, sans qu’aucun renouvellement ne soit prévu ; dès lors, la clause du contrat de travail prévoyant un tel renouvellement est nulle ;

Le CRRF « le Grand feu » reconnaît également que c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes de Niort a considéré que la rupture du contrat de travail survenue le 14 août 2008, c’est‐à‐dire bien après l’expiration de la période d’essai intervenue le 31 mars 2008, devait s’analyser en un licenciement abusif ; sa décision sera, en conséquence, confirmée sur ce point ;

‐ Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

* au titre de l’indemnité de préavis :
En application de l’article 15.02.2b de la convention collective précitée, Mme X… doit bénéficier d’une indemnité de

préavis de quatre mois, en sa qualité de cadre ;

L’employeur justifie avoir réglé à ce titre, un montant net de 12 788,22 € correspondant au paiement de deux mois de préavis ; c’est donc à juste titre, ce que ne conteste pas le CRRF «le Grand feu», que le jugement entrepris a mis à la charge de l’employeur une somme complémentaire de 14 783,66 € bruts correspondant à deux autres mois de salaire outre les congés payés afférents ;

La salariée ne peut sérieusement réclamer le paiement de quatre mois de préavis au motif que les deux mois que l’employeur lui a spontanément payés n’auraient pas valeur de préavis dans la mesure où ils l’ont été en l’absence de toute procédure de licenciement, ces irrégularités étant sanctionnées par l’octroi d’une indemnité spécifique, étant encore précisé que l’appelante, qui ne remet pas en cause la date de la rupture de son contrat de travail, ne précise pas, dans l’hypothèse qui la sienne, à quel titre elle aurait perçu ces deux mois de salaire, en l’absence de toute prestations de travail en contrepartie ;

* au titre de l’indemnité prévue par l’article 12355 du code du travail :

Mme X… justifiait de moins de deux ans d’ancienneté au jour de la rupture de son contrat de travail ; elle est donc en droit de bénéficier d’une indemnité du fait du non‐respect par l’employeur de la procédure de licenciement ; cette indemnité a vocation à se cumuler avec l’indemnité qui lui revient pour licenciement abusif en ce qu’elle répare, dans cette hypothèse, un préjudice distinct ; il lui sera accordé la somme de 2 000 € en réparation du préjudice qui en découle et la décision entreprise sera réformée sur ce point ;

* au titre de l’indemnité pour licenciement abusif :

Il est constant que Mme X… a fait l’objet d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; elle n’a bénéficié d’aucun entretien préalable ni reçu de lettre de licenciement de sorte que sur un plan juridique, elle ne connaît pas les raisons qui ont conduit son employeur à la rupture du contrat de travail ; il n’apparaît pas davantage qu’elle ait fait l’objet précédemment de remarques écrites ; étant en période d’essai, elle a cependant imprudemment entrepris de venir s’installer définitivement dans la région de Niort ; elle n’a été indemnisée par Pôle emploi qu’à compter du mois de novembre 2008 puisqu’elle n’a reçu son attestation ASSEDIC que le 3 novembre 2008, ce qui lui a occasionné un préjudice spécifique de 5 940 €, non remis en cause par l’employeur ; il convient de lui accorder,

en réparation de son préjudice, la somme de 15 000 € et le jugement entrepris sera également réformé sur ce point ;

Les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour celles qui ont valeur de salaire et à compter de la présente décision pour les autres ;

‐ Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à Mme X… la charge des frais qu’elle a dû engager en vue de la présente procédure et qui ne seraient pas compris dans les dépens ; il existe en l’espèce des éléments suffisants d’appréciation pour lui accorder la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le CRRF « le Grand feu » sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de Mme X… au titre d’une indemnité pour licenciement irrégulier et fixé à la somme de 10’000 € l’indemnité accordée au titre des dommages et intérêts pour

Et statuant à nouveau :

Condamne le CRRF « le Grand feu » à payer à Mme X… les sommes de :

* 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier

* 15’000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y ajoutant :

Dit que les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour celles qui ont valeur de salaire et à compter de la présente décision pour les autres ;

Condamne le CRRF « le Grand feu » à payer à Mme X… la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le CRRF « le Grand feu » aux dépens.