Moniteur exerçant le métier de moniteur éducateur, le salaire sans la qualification.

Au terme d’une procédure particulièrement longue , la Cour d’appel de Nîmes vient de conclure une affaire qui mettait en scène le principe « à travail égal, salaire égal », l’égalité de qualification professionnelle et l’application de l’ancien article 8.03.3 de la CCN51 qui prévoit pour un salarié qui exerce une fonction au-delà de sa qualification prévue à son contrat de travail, une rémunération correspondante à l’emploi occupé si le salarié l’exerce dans une proportion au moins supérieure ou égale à 50% de son temps de travail.

Les faits et la procédure

En l’espèce, un moniteur occupant un poste de moniteur éducateur au sein de l’association APAMIGEST, mais ne bénéficiant que du salaire lié à sa qualification contractuelle saisit le Conseil des Prud’hommes d’Alès lui demandant un reclassement au grade moniteur-éducateur, coefficient 378 plus trente points de complément métier accompagné d’une demande de rappel de salaire. Les juges de première instance feront droit à sa demande en requalification et de rappel de salaire.

L’association APAMIGEST interjette appel, contestant notamment la nouvelle qualification et la condamnation au paiement de rappel de salaire. Cependant, au regard des nombreuses attestations de salariés, moniteurs éducateurs, éducateurs spécialisés, médecin psychiatre ou encore chef de service de l’ESAT qui témoignaient que le salarié exerçait bien les fonctions de moniteur-éducateur de manière quasi permanente  et sans que l’employeur puisse réellement le démentir, La Cour d’appel de Nîmes concluait qu’ « il est établi que M. K. assume pleinement les attributions de moniteur-éducateur telles que celles-ci sont définies par la convention collective nationale » (Cour d’appel, Nîmes, Chambre sociale, 7 Avril 2015 – n° 13/02976). Cependant, elle repousse la demande de qualification au motif que la CCN51 annexe A.1.1 impose que “le moniteur-éducateur doit être titulaire soit du certificat d’aptitude aux fonctions de moniteur-éducateur, soit du diplôme ou du certificat d’aptitude délivré par un centre de formation agréé, soit du certificat national de qualification de moniteur éducateur“. Elle s’appuie sur le même motif pour rejeter la demande d’égalité salariale. Selon elle,  « contrairement à ses collègues moniteur-éducateur titulaires du diplôme requis par la convention collective pour l’exercice de ces fonctions, ce qui constitue un élément objectif et pertinent justifiant la différence de rémunération ». Finalement, elle se fonde sur l’article 08-04-3 de la convention collective, pour faire droit à sa demande de coefficient 378, mais exclut la majoration de 30 points réservée selon elle, aux ‘moniteurs-éducateurs‘ diplômés.

La Cour de cassation par un arrêt du 6 Octobre 2016 (Cass. soc. n° 15-19.626), constatant que l’article 8.03.3 de la Convention ouvre droit à la perception du salaire et des compléments ou primes dont bénéficient les salariés exerçant le métier affecté d’un coefficient de base conventionnel supérieur casse logiquement et partiellement l’arrêt de la Cour d’appel ; En effet la majoration de 30 points n’est pas liée au diplôme mais bien à la fonction ce que confirmera implicitement la Cour d’appel de renvoi de Montpellier (Cour d’appel, Montpellier, 4e chambre sociale, section A, 24 Janvier 2018 – n° 17/01266) en validant la décision initiale du Conseil des prud’hommes d’Alès.

Notre analyse

L’égalité salariale n’est pas un domaine aisé à défendre. Elle implique une stricte identité de situation qui comprend également le niveau de qualification reconnu par des diplômes (voir également notre analyse sur une affaire concernant des secrétaires médicales). Le salarié avait fait feu de tout bois et avait également soutenu la discrimination sexuelle pour demander l’égalité de qualification, la plupart de ses collaborateurs exerçant en tant que moniteur éducateur étant des femmes. Les juges ont écarté un à un les moyens du salarié pour ne retenir finalement que l’article 8.03.3 de la Convention collective dans son ancienne rédaction (devenu 8.04.2.), pour finalement lui attribuer le niveau en points de moniteur éducateur et le complément métier de 30 points.

Le salarié ayant introduit sa demande avant la décision unilatérale de 2012 qui a profondément modifié la convention collective, les juges se sont appuyés logiquement sur les anciennes dispositions conventionnelles. Cependant, un contentieux de cette nature produit désormais des effets différents. En effet, l’article 8.04.2 (« Indemnité de remplacement ») de la CCN51 modifie le régime d’indemnisation du salarié qui occupe un poste de niveau supérieur à celui de sa qualification contractuelle. En effet, si le texte garantie le coefficient conventionnel de l’emploi occupé, il exclue le bénéfice des primes. Le salarié voit notamment l’ancienneté acquise dans sa fonction précédente supprimée tout comme le complément technicité lorsqu’il existe, comme c’est d’ailleurs le cas dans le cadre de la promotion. Un régime en conséquence peu attractif, même si le texte garantie une évolution salariale de 10%. Conformément à la présente jurisprudence commentée, le texte ajoute toutefois que le salarié remplaçant bénéficie, lorsqu’elles existent, des primes fonctionnelles liées au métier du salarié remplacé et donc du complément métier de 30 points dans le cas présent. Mais, en tout état de cause, il n’est pas question de l’obtention contractuelle de la qualification exercée – “A travail égal, qualification inégale” prévaut. Dans ces conditions, l’employeur, n’étant pas lié par une nouvelle qualification contractuelle qui serait née des nouvelles fonctions du salarié, conserve la liberté de réintégrer le salarié dans son ancien emploi.

Cette affaire est également intéressante du point de vue du régime de la preuve. En effet, comme c’est le cas en matière d’égalité salariale, il appartient au salarié de rapporter la preuve de ce qu’il était employé à plus de la moitié de son temps sur un emploi de moniteur-éducateur. Les nombreuses attestations versées au dossier énuméraient les tâches effectives relatives au travail du salarié  (“accompagnement des résidents dans les tâches de la vie quotidienne, suivis de dossiers, tenues des comptes des résidents, relations avec les familles, préparations et participations aux réunions de synthèse et pédagogique, […]“). Comparé au descriptif conventionnel de l’emploi de moniteur-éducateur détaillé à l’annexe A1 de la convention collective (« Il participe à l’accompagnement, à l’action éducative, à l’animation et à l’organisation de la vie quotidienne des personnes accueillies en liaison avec les autres professionnels éducatifs et sociaux et, notamment, les professionnels de l’éducation spécialisée »), la conviction des juges (en première instance et en appel) a été rapidement constituée, renforcée par la défaillance de l’employeur dans la démonstration du contraire. Souvent difficile à obtenir pour le salarié, la preuve s’est ici construite essentiellement par les nombreuses attestations de ses collègues de travail qui témoignaient de l’exercice de la profession de moniteur éducateur par le salarié demandeur.