Le délai de prescription en matière disciplinaire

La procédure disciplinaire en droit du travail doit répondre à des règles strictes en termes de délai. L’employeur doit en premier lieu informer le salarié de son intention d’engager une procédure disciplinaire pouvant être susceptible d’aboutir au licenciement (article L.1232-2 et suivant du code du travail). Cependant, si l’employeur prend connaissance de faits susceptibles de fonder une sanction disciplinaire, il dispose dés lors de 2 mois pour engager la procédure (article L. 1332-4 du Code du travail). Si ce délai est dépassé, il y a prescription des faits, et le salarié pourra probablement avec succès, contester la sanction devant le juge du contrat de travail.

Nous vous proposons ici l’étude d’un arrêt récent de Cour d’appel dans le champ de la CCN51 qui illustre cette question de procédure (Cour d’appel de Colmar, 4ème Chambre A, Arrêt du 23 mars 2017, Répertoire général nº 15/00784)

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Les faits

Une salariée est engagée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent des services logistiques au sein de l’unité des soins de longue durée à l’établissement Sainte Élisabeth à Strasbourg.

Le 29 janvier 2013, elle est destinataire d’une lettre de convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre datée du 11 janvier 2013, l’employeur lui reprochant son comportement professionnel tant dans ses relations avec ses collègues que le non-respect des principes de fonctionnement au sein du service ainsi que son comportement dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes les plus dépendantes de l’établissement.

L’employeur argumente que la procédure de licenciement a été mise en œuvre après que certains collègues aient , lors d’un entretien avec la responsable, le 14 janvier 2013, évoqué des retards de la salariée, des prises de temps de pause abusives, un comportement générateur de stress et d’angoisse à la limite du harcèlement moral envers ses collègues qui menaçaient soit de se mettre en maladie soit de démissionner ainsi qu’un comportement agressif envers les résidents.

La salariée avance à l’appui de la contestation de son licenciement que les faits qui lui sont reprochés étaient manifestement prescrits puisqu’ils auraient été connus lorsque sa supérieure hiérarchique est revenue de son congé maladie, qui avait duré du 11 juin 2012 au 14 octobre 2012, et que ces faits apparaissent ne pas s’être prolongés au-delà de ce retour, puisque sa supérieure précisait par attestation que la salariée n’a jamais adopté un comportement problématique en sa présence. De plus, des attestations de salariés fournies par l’employeur, témoins ou victimes des faits ne permettaient pas de déterminer à quel moment les faits reprochés se sont produits ni à quel moment l’employeur en a eu connaissance.

La décision du Juge

La Cour d’appel donne raison à la salariée en précisant qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de ce qu’il a eu connaissance des faits fautifs dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. La connaissance des faits fautifs par l’employeur s’entend de l’information exacte, par l’employeur ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Dans cette affaire, l’employeur soutenait imprudemment que les faits avait été rapportés à la supérieure hiérarchique à son retour de congés maladie soit le 14 octobre 2012 et donc prés de 3 mois et demi avant l’engagement de la procédure. La Cour considère que l’employeur à eu connaissance des faits à cette date. De plus, elle constate que les attestations des salariés témoignant à charge ne sont pas datées et particulièrement ressemblantes. Elle écarte la réunion du 14 janvier comme point de départ du délai qui semblait manifestement manquer de formalisme.

En conséquence La Cour considère à juste titre que les faits reprochés sont prescrits en rajoutant également qu’ils étaient insuffisamment établis. Les arguments de l’employeur étaient en effet peu convaincants. Dés lors, le licenciement de la salariée à été jugé sans cause réelle et sérieuse et l’employeur a été condamné aux paiements de dommages et intérêts, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, au préavis, et à l’équivalent en salaire de la mise à pied.

Bien évidemment ce délai de prescription s’applique à toute sanction disciplinaire allant de l’observation  jusqu’au licenciement. Pour mémoire la convention collective 51 en son article 05.03  prévoit une échelle de sanction comme suit :

  • l’observation,
  • 
l’avertissement,
  • la mise à pied, avec ou sans salaire, pour un maximum de 3 jours
  • le licenciement