Requalification du contrat CDD en CDI, une action en référé avant la rupture du contrat pour conserver son emploi

Ce n’est pas une jurisprudence issue du secteur de la convention collective 51, mais le taux de recours aux contrats à durée déterminée sur ce secteur conventionnel est à un tel niveau (parfois supérieur à 20% selon nos observations) qu’elle a retenu toute notre attention. En effet, le recours à un contrat en CCD abusif (qui peut donc être requalifié en CDI devant le juge) aboutit généralement, dans le cadre d’une procédure, à l’octroi au salarié de dommages et intérêts sans pour autant conserver son emploi. Le présent arrêt étudié ici (Cass. soc. 8 mars 2017, n°15-18560), détaille un mode opératoire précis permettant de faire valoir son droit à l’emploi.  

Les faits

Dans cette affaire, 2 salariés ont été engagés par la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane en qualité d’agents administratifs dans le cadre de CDD du 20 décembre 2010 au 19 mars 2011 pour surcroit d’activité. Avant le terme de leur contrat, ils ont saisi le 10 mars 2011 le conseil des juridiction prud’homale en référé*, pour obtenir la requalification de leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la caisse à leur verser une indemnité de requalification. Le Conseil des prud’hommes rendait son ordonnance le 18 mars 2011 et ordonnait la poursuite des contrats de travail tant que le bureau de jugement du Conseil (qui avait été également saisi par les salariés dans le même temps) ne rendait pas sa décision de l’affaire au fond**.

L’arrêt de la Cour de cassation

Si la cour d’appel rejetait ensuite la demande des salariés, estimant notamment que le juge des référés avait excédé ses pouvoirs en ordonnant la poursuite des relations contractuelles car l’appréciation du contrat de travail, sa requalification et sa poursuite sont des questions de fond relevant de la compétence exclusive des juges du fond, la Cour de cassation fait pour sa part une interprétation de l’affaire tout autre. En effet, elle s’appuie notamment sur la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour dire que « constitue un dommage imminent, la perte de l’emploi par l’effet de la survenance du terme, durant la procédure, du contrat à durée déterminée toujours en cours au moment où le juge des référés statue, ce dommage étant de nature à priver d’effectivité le droit pour le salarié de demander la requalification d’un contrat à durée déterminée irrégulier en contrat à durée indéterminée ». Dés lors comme le prévoit l’article R.1455-6 du Code du travail, la formation des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire des mesures conservatoires ou de remise en l’état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent, en l’espèce la perte d’emploi.

Cet arrêt donne les clés au salarié en CDD dont le motif de recours présente des signes d’irrégularité,  permettant d’agir en justice pour conserver son emploi jusqu’à ce que, le cas échéant, le juge du fond requalifie le contrat de travail en CDI. En effet, sans cette action, le salarié pouvait certes saisir le Conseil des prud’hommes au fond en requalification de contrat en CDI, mais voyait dans la plupart des cas la décision juridique intervenir après la fin du contrat sans possibilité de réintégration dans l’établissement.

* Procédure en référé : Un référé est une procédure qui permet de demander des mesures provisoires à un juge pour régler les cas urgents (des retard de versements de salaire par exemple). Cependant, ces mesures ne permettent pas de régler définitivement le litige. Un procès dit principal peut encore avoir lieu. Le conseil des prud’homme saisi en référé statue généralement sous huit jours.

** Procédure au fond : Les affaires au fond sont celles qui dépassent le stade de l’évidence, comme par exemple l’appréciation du caractère réel et sérieux d’un motif de licenciement. Le délai peuvent varier fortement d’un Conseil de Prud’hommes à l’autre, mais il peut atteindre jusqu’à une année pour obtenir un jugement.