Temps d’habillage et déshabillage, l’état du droit

C’est un problème récurrent qui nous est posé par les représentants du personnel particulièrement dans les établissements sanitaires ou dans les EPHAD qui imposent une tenue de travail par voie du règlement intérieur. En effet, ils nous font part que l’heure d’embauche ou de débauche des salariés considérée par l’employeur est celle ou ils prennent ou quittent leur service en tenue de travail sans que soit pris en compte le temps d’habillage et déshabillage y compris le temps pour se rendre à leur armoire pour se changer. Il est à noter que la convention collective 51 ne prévoit aucune disposition sur ce point.

Or, Le temps consacré par les salariés à revêtir leur tenue de travail, dès lors qu’il s’agit d’un habillage spécifique à l’activité professionnelle, sans être considéré comme du temps de travail effectif doit faire l’objet de contreparties. Autrement dit, dans des conditions spécifiques d’un environnement de soins, le temps d’habillage et de déshabillage doit se traduire par des compensations pécuniaires ou en temps de récupération.

Le texte sur le temps d’habillage et déshabillage

Article L3121-3 du Code du travail :

Le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière“.

Bien évidemment l’obligation de s’habiller sur son lieu de travail peut être aisément prouvée et généralement résulte d’une clause du règlement intérieur imposant le passage des salariés aux vestiaires ou d’une clause prévoyant la mise à disposition d’armoires et imposant au salarié de se trouver à son poste de travail à l’heure et en tenue de travail ( Cass. soc., 23 nov. 2011, no 10-20.570 ) ;

 

La contrepartie

En l’absence d’accord collectif, le contrat de travail peut prévoir ou accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage, soit d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif selon les conditions de l’article L. 3121-8 du Code du travail.

En l’absence de dispositions conventionnelles (comme c’est le cas dans la ccn51), d’accord d’entreprise ou de dispositions contractuelles, les salariés peuvent parfaitement réclamer en justice le versement d’une contrepartie et il appartient alors à l’employeur de prouver qu’il a, de fait, rémunéré ces temps comme du travail effectif ( Cass. soc., 12 juill. 2006, no 04-45.441 ). Dans le cas contraire, les juges peuvent fixer le montant de ces contreparties ( Cass. soc., 16 janv. 2008, no 06-42.983 ).

 

Un exemple de jurisprudence sur la CCN51.

Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale B, Arrêt du 7 novembre 2014, Répertoire général nº 13/04746 (Extrait)

« 1º) Sur la demande de rappel de salaire lié au temps d’habillage et de déshabillage :

Attendu que l’article L. 3121-3 du code du travail pose le principe selon lequel les temps d’habillage et de déshabillage ne constituent pas un temps de travail effectif et doivent faire l’objet de contreparties accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière;

Attendu qu’en l’espèce, le Centre Hospitalier Saint-Joseph ‘ Saint Luc impose aux infirmières, du fait de leur qualité de personnel soignant, le port d’une blouse et d’un pantalon, de sorte que Madame Dominique X… devait changer de tenue avant l’heure de prise de service ;

que la convention collective FEHAP applicable ne prévoyant à cet égard aucune disposition particulière concernant l’indemnisation de cette sujétion et l’employeur n’invoquant pour sa part aucune autre contrepartie qu’il aurait accordée, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont doit bénéficier la salariée ;

Attendu pour s’opposer à l’attribution à Madame Dominique X… de la somme de 1.300,00 € décidée par les premiers juges à ce titre dans les limites de la prescription quinquennale, le Centre Hospitalier Saint-Joseph ‘ Saint Luc prétend la demande injustifiée ou à tout le moins excessive en considérant qu’elle ne saurait tout au plus excéder 650,00 € correspondant à l’indemnisation de 10 minutes par jour travaillé au taux horaire de la salariée de 17 € sur la dernière année et de 16 € sur la période antérieure au mois d’avril 2010 ;

Mais attendu qu’il découle du texte qui précède que la contrepartie financière doit être appréciée en fonction de la contrainte inhérente à l’opération d’habillage et déshabillage, sans avoir à correspondre nécessairement au temps qui y est consacré ;

que Madame Dominique X… prétend devoir se rendre avant chaque prise de service dans le vestiaire prévu à cet effet et situé dans les sous-sols; que son employeur affirme pour sa part, sans en rapporter la preuve, qu’elle avait pour habitude de se changer dans le service des urgences où elle travaillait et non dans les sous-sols ;

Attendu en conséquence qu’en retenant une durée de 10 minutes pour l’habillage et de 10 minutes pour le déshabillage incluant le temps pour se rendre au vestiaire, soit 20 minutes au total par jour, et en allouant à ce titre à la salariée une contrepartie financière de 1.300,00 €, le conseil de prud’hommes de Lyon a procédé à une juste appréciation des éléments de la cause de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ».

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