L’insuffisance professionnelle et la convention collective 51

L’insuffisance professionnelle peut-être soulevée par l’employeur lorsque le salarié ne remplit pas sa mission selon des conditions conformes à ce qui a été défini dans son contrat de travail et accessoirement, dans sa fiche de fonction. L’insuffisance professionnelle n’est pas une faute au sens disciplinaire du terme. La conséquence possible est le licenciement du salarié.

 

Bien évidemment, l’insuffisance professionnelle doit être justifiée par des éléments concrets et pertinents et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur (Cassation sociale, 6 juill. 1979, no 77-40.168). Généralement, elle se constate lorsqu’elle a pour conséquence de perturber la bonne marche de l’entreprise ou le fonctionnement du service. L’insuffisance professionnelle peut être également constatée pour insuffisance ou mauvais résultats ou encore non atteinte d’objectif.

L’insuffisance professionnelle se différencie de la faute disciplinaire en ce que cette dernière comporte un caractère intentionnel de la part du salarié.

Le juge prend notamment en compte l’ancienneté du salarié, sa progression dans l’entreprise, les augmentations de salaire allouées, l’existence ou non de constats d’insuffisance déjà effectués par l’employeur pour apprécier la réalité de l’insuffisance professionnelle.

Il s’appuiera également sur l’article L. 6321-1 du Code du travail qui met à la charge de l’employeur une obligation d’adaptation à l’emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

 

Dans la champ de la convention collective 51

La nécessité de mettre à disposition les moyens nécessaires pour assumer sa mission

Dans le champ du secteur du sanitaire et social, que recouvre la notion d’insuffisance professionnelle ? Les réponses des juges du fond nous apportent quelques éléments. Tout d’abord, les juges prennent en compte la particularité de ce secteur qui bénéficie de ressources contraintes susceptible de mettre en difficulté les établissements et par voie de conséquence les salariés.

Ainsi une infirmière coordinatrice qui avait été licenciée notamment pour insuffisance dans le contrôle et le suivi de l’hygiène de l’environnement des résidentes, ou dans le travail d’animation, de mobilisation et d’entraînement de l’équipe, se voyaient constamment confrontée à des restrictions budgétaires ou d’effectif, l’employeur lui demandant d’avoir recours à des infirmières stagiaires pour compléter l’effectif. La Cour d’appel de Pau constate que « Les difficultés rencontrées relèvent en l’espèce de la situation à laquelle la salariée a été confrontée et pour laquelle elle n’a pas disposé des moyens nécessaires et utiles pour surmonter ou résoudre cette situation de pénurie, auquel cas les difficultés ne lui sont pas imputables » (Cour d’appel de Pau, Chambre sociale, Arrêt du 5 janvier 2012, Répertoire général nº 10/04969).

Les fiches d’évaluation, élément de preuve

Outil généralisé dans les établissements, les grilles annuelles d’évaluation des salariés sont également des éléments importants pour les juges lors du contrôle du motif du licenciement. Ainsi, ils se basent sur la notation portée sur l’évaluation pour apprécier la réalité et le sérieux de l’insuffisance professionnelle. La cour d’appel de Rennes à pu confirmer que le licenciement d’une responsable infirmière était infondée au motif que «  sur l’évaluation de mars 2010, les appréciations (classement 1-2-3 du meilleur au moins bon) sont bonnes (1) pour la plupart des rubriques, notamment ‘capacité de décision’ (1), ‘accueil et relations avec les familles : travail effectué mais à développer‘. ‘Conditions de séjour des résidents : Madame X est soucieuse des conditions de séjour‘ et que « les quelques attestations produites, qui reprennent les griefs formulés par la responsable d’établissement, sont à considérer avec prudence » (Cour d’appel de Rennes, 7ème Chambre Prud’hommes, Arrêt nº 185 du 2 avril 2014 n° nº 12/05250).

Entre la faute grave et la cause réelle et sérieuse

Les juges qui ont le pourvoir de requalifier le motif de la rupture du contrat de travail sont amenés également à différencier les contextes disciplinaires de ceux d’insuffisance professionnelle. Pour une association qui avait assimilé une insuffisance professionnelle à une faute grave la Cour d’appel de Paris répond qu’un non respect des procédures de sécurité et de soins applicables dans un établissement accueillant des personnes fragilisées constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement mais ne saurait s’analyser en une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail et la privation des indemnités de rupture. (Cour d’appel de Paris, Pôle 6, Chambre 9, Arrêt du 8 septembre 2010, Répertoire général nº 09/04216). Dés lors la salarié a droit à l’indemnité de licenciement et au paiement du préavis.